J'ai pleuré, une fois, devant une peinture. J'ai souri, j'ai ri. Je me suis arrêtée, fascinée. Je me suis tordue le coeur et les tripes, j'ai failli arrêter de respirer. J'ai sauté d'excitation. J'ai murmuré "merci" à celui qui avait donné vie à sa création.
Les musées font partie de mes lieux favoris. Les musées sont, simplement, et ils vivent bien plus qu'ils n'en donnent l'impression. Il suffit juste d'attraper le regard d'une femme en train de trancher la gorge de son adversaire, d'être surpris, au détour d'un chemin, par un cerf acculé par des chiens, de courir et courir jusqu'à enfin voir la Charmeuse de serpents s'afficher, dans toute sa gloire, et nous honorer de sa présence enchanteresse.
Je pourrais dire qu'Orsay est mon musée favori, mais ce ne serait pas exactement vrai. Parce qu'il y a un autre musée qui a ravi mon coeur, depuis des années, et il est bien malheureux que celui-ci soit si loin et si cher. Son jardin est magique. Ses fontaines ont quelque chose d'étrange, de décalé. Il est un monde à part, dans la verdure, tracé par les doigts des artistes qui ont aidé à sa naissance. C'est à la Fondation Maegh que j'ai appris mon amour pour l'avant-garde russe. C'est à la Fondation Maegh que l'art à parfois pris des tours et des détours que je n'aurais pas cru voir un jour. Pépin Géant m'y attendait là, héros d'histoires racontées en maternelle par une institutrice passionnée d'art. Le chat de Giacometti et ses silhouettes humaines ne cesseront d'être à chaque coin de rue, filiformes, fascinantes.
Je ne comprends pas l'art. Je ne comprends pas les artistes. Mais j'aime les musées.
Et parfois, je me rappelle à quel point certaines oeuvres, certains artistes ont pu me tordre les tripes, ont pu me donner tant de sentiments, ont pu animer en moi tant de mouvements. L'énergie qui éclate dans l'oeuvre de Zao Wou-Ki. Les dissonances et les couleurs de Kandinsky. La lumière et l'imagination de Chagall. La noirceur et le désespoir de Munch. La beauté étrange de Hopper.
Parfois, je me demande ce qui guide leur main.
Parfois, je me dis que j'aimerais m'exprimer à leur façon.
J'en suis incapable. Je n'explose pas ainsi. Les couleurs m'échappent. Mon imaginaire ne se laisse pas toujours représenter. Je ne suis pas une artiste. Mais les artistes m'accompagnent. L'art est une nécessité. Il n'a rien d'accessoire. L'art est ce qui élève, qu'il ait les mains dans la terre ou le regard vers le ciel. L'art est un message et un messager tout à la fois.
Les musées sont les lieux de rencontres improbables et magiques.
Les musées ont leur magie, dans les couleurs et les courbes, dans leurs silences envahissant. Ils sont le lieu de sentiments, d'allégorie, d'hommages oubliés et d'images perdues qui se retrouvent et qui enchantent. La Charmeuse de serpents n'est pas qu'une figure peinte sur une toile. Elle est celle qui enchante et fascine, celle qui donne naissance à une magie, à la rencontre avec les écailles et les regards de reptile.
Les explosions de couleurs... les courbes de l'Art Nouveau... les anges et les démons du symbolisme... les saintes et les saints, les héros bibliques et les héros historiques, les martyrs d'une patrie oubliée, les paysages immenses et les vanités, la multitude et l'unique, tous les sujets et toutes les abstractions sont là, qu'on les comprenne ou non.
Les musées sont les lieux où j'ai, pour la première fois, rencontré la magie et le sacré.